Comment peindre l’eau?

Avril 2020

L’Indre en aval du bief de la forge de Clavières, huile 52 x 35 cm

Être très attentif et comprendre ce que l’on voit

Rien n’est plus simple que l’eau mais quand on veut la représenter, on peut s’y perdre. Elle paraît confuse, instable, de couleur indéterminée et changeante…Lorsqu’on peint sur le motif une eau mouvante, eau vive d’une rivière ou mer agitée, il s’agit aussi de traduire le mouvement incessant mais heureusement répétitif des vagues et les reflets.
Pour la peindre, j’essaye de l’observer avec beaucoup d’attention et de distinguer les différents phénomènes qui participent à lui donner son aspect.
Plusieurs choses se combinent:
– La couleur intrinsèque de l’eau, elle peut être jaunâtre ou verte…
– Le fond de l’eau peut être visible lorsque l’eau est peu profonde et transparente.
– Les reflets dans l’eau des objets qui sont sur la berge et du paysage environnant,
– Les ombres sur la surface de l’eau générées par les objets qui entourent (c’est différent des reflets)
– La couleur générale de la lumière en relation avec la couleur du ciel et la position du soleil,
– Enfin les mouvements de l’eau en surface qui résultent de l’écoulement, des vagues ou du vent.

Suivant les cas tel ou tel phénomène sera prépondérant. Quoiqu’il en soit, la compréhension de ce que l’on voit, facilite la représentation et permet de travailler avec plus d’assurance.

Différencier les reflets et les ombres

Gave d’Oloron, huile 25P (81 x 60 cm) 2013

Cette peinture du Gave d’Oloron est là pour illustrer la différence entre les reflets et les ombres. La différence est bien visible car avec le soleil rasant du matin, les ombres foncées sont projetées sur la rivière, (la position de l’ombre est indépendante de la position du peintre). Les reflets des arbres, de la berge et du ciel (qui par contre dépendent de la position choisie par le peintre), changent de tonalité lorsqu’ils traversent une zone à l’ombre ou ensoleillée. De plus leurs orientations sont différentes.

Savoir dessiner les reflets

Château de Clavières Indre peinture à l'huile PBenet
Château de Clavières vu depuis la berge de l’Indre, huile sur panneau 8F (46 x 38 cm) 2016

Si l’eau est calme, sa surface peut se comporter comme un véritable miroir et refléter précisément les objets alentour. Pour représenter les reflets, les règles de la perspective s’appliquent et aident au dessin. L’erreur est de représenter l’image inversée de l’objet qui le crée. La plupart du temps le reflet est différent de l’objet reflété (par exemple pour un pont on voit le dessus du parapet et le reflet nous montre le dessous des arches)
La règle de base pour trouver le reflet d’un point dans l’eau est simple: tracer la verticale de ce point jusqu’à l’intersection avec la surface de l’eau et le reflet se trouve sous cette intersection à la même distance sur cette verticale.
Pour les objets qui sont sur la rive mais un peu éloignés du bord de l’eau, il faut pratiquement visualiser la « ligne de flottaison » de l’objet , c’est à dire le plan où se situerait la surface (virtuelle) de l’eau au niveau de cet objet; à partir de là le dessin du reflet peut se faire plus précisément. Ce ne sera souvent qu’une partie de l’objet qui se reflétera. Notons qu’une ligne parallèle au sol est parallèle à son reflet et a donc le même point de fuite situé sur la ligne d’horizon.

Le ciel se reflète aussi

Étang dans le Berry, huile sur panneau 15 P 65 x 50 cm

L’eau reflète bien sûr le ciel et reflétera du bleu si le ciel est bleu, ou des nuages … dans une tonalité plus soutenue pour les parties proches et plus légère pour les parties éloignées.

S’amuser et garder de la fluidité

Jardin à Kyoto, huile 12 F (61 x 50 cm)

Lorsqu’on peint de l’eau, on peut aussi être imprécis, ou approximatif sans que cela ne choque. Souvent nous représentons le reflet d’un objet qui ne figure pas, ou alors partiellement, ou sous un autre angle dans le cadre du tableau. De plus les mouvements de l’eau fractionnent les reflets et les déforment, créent des vaguelettes et des scintillements. Enfin les nénuphars et tout ce qui flotte sur l’eau complexifie l’image.

Tout cela autorise des approximations dans le dessin, c’est l’impression d’ensemble qui compte et qu’il faut réussir, et pour cela ne pas hésiter à simplifier, éviter la surcharge et les détails de l’effet « photo » et garder de la fluidité!

Retour à Montmartre, Paysages

Février 2020

Place des Abbesses , huile 10P (55 x 38 cm)

Que voir? Que peindre dans un paysage ?

La peinture de paysage, conduit à un état d’esprit permanent, une manière de regarder et d’être attentif à ce qui nous entoure. Que peindre? Sûrement pas tout ce qu’on voit, ce serait vain, fastidieux à réaliser, ennuyeux à regarder! Quel est le sens,.. Qu’est ce qui nous attire et nous motive pour peindre ce paysage là ? La réponse est importante pour la manière dont on va le peindre…

Rue Lepic à Montmartre, huile sur toile sur châssis, 8F (46 x 38 cm)

L’idéal du paysage intemporel

Enfant, j’ai habité Montmartre dans les années 50-60, nos déambulations se situaient autour de la rue Lepic, avec en haut la place des Abbesses et en bas la place Blanche. J’aime y repasser de temps à autre… J’aime aussi peindre des vues de ce quartier.
Finalement pour ce qui concerne l’architecture, les rues et les bâtiments, ce quartier n’a pas tellement changé.
L’ambiance est bien sûr différente, autrefois la rue Lepic ressemblait à un marché, avec de la foule, un coté de la rue était occupé par les marchandes des quatre saisons avec leurs charrettes et les magasins le long de la rue étaient des boucheries, des poissonneries, des boulangeries pâtisseries, des charcuteries, des cafés … Aujourd’hui si on trouve encore plusieurs magasins d’alimentation, il y a aussi des boutiques de téléphonie, d’habits … et l’aspect général est plus touristique et moins populaire. L’équipement urbain également révèle bien l’époque actuelle, avec les poteaux anti-stationnement le long des trottoirs.

Place Blanche et Moulin Rouge, huile, 20P (73 x 54 cm) 2018

La vie immobile du tableau

Dans la peinture d’un paysage, j’essaie d’éviter tout ce que je trouve anecdotique et daté et je recherche la possibilité d’une permanence. Oui le temps passe et les choses changent et le tableau est immobile, mais il faut qu’il vive. Il faut pouvoir le regarder longtemps, ne pas s’en lasser, au contraire s’y habituer, s’y plaire.
Quand on peint un paysage sur le motif, on y passe plusieurs heures, le soleil tourne, les ombres se déplacent, des nuages passent, les reflets dans l’eau changent du tout au tout, des promeneurs vont et viennent, des voitures aussi.. et de tout cela nous en saisissons les meilleurs instants pour en faire une représentation qui nous plait, j’essaie d’opérer de manière similaire sur plusieurs années.